Extraits des carnets le souvenirs d’Alexandrine Smirnoff ne de Rosset i 1825 1845, Смирнова-Россет Александра Осиповна, Год: 1893

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Extraits des carnets le souvenirs d’Alexandrine Smirnoff ne de Rosset i 1825 1845 *).

*) Печатаемъ эти документы, въ виду ихъ историко-литературной важности, во французскомъ оригинал въ томъ вид, въ какомъ онъ доставленъ намъ О. Н. Смирновой — съ соблюденіемъ всхъ его стилистическихъ и орфографическихъ особенностей. Ред.
‘Son souvenir nous reste, pur et inaccssible la colomnie’.
Изъ письма А. О. Смирновой къ кн. П. А. Вяземскому, мартъ 1837 г.
‘La main qui tenait au bout d’un pistolet la vie de notre grand po&egrave,te, tait dirige par un cerveau absolument incapable d’apprcier celui qu’elle visait.
Cette main ne trembla pas devant la Majest du gnie dont elle fit taire la voix.
Признайтесь, дорогая Александра Осиповна, что правъ нашъ солдатъ, что пуля большая дура!’
Февр. 1837 г. изъ неизданнаго письма о смерти Пушкина.
Pass une soire amusante chez les Ivaramzine o il у avait L’Arzamas (Арзамазъ). J’ai dit Joukowsky que le salon de Катерина Андреевна est l’arche de L’Arzamas, a quoi il a rpondu: ‘Je reprsente le boeuf, Kryloff — l’lphant, le plus sage des animaux, Pouschkine le grillon et vous tes le colibri de L’Arzamas. Il у avait les deux Glinka le po&egrave,te und der Musikus! Jean Miatleff qui est tr&egrave,s drle, il a entendu ce que Joukoivsky me disait et lui lanc: ‘Le boeuf, dites plutt le hanneton-jouk, mme vous voltigez autour du colibri’. Jouk a ripost: ‘c’est le colibri qui m’appelle le boeuf, elle pretend, que quand je ris je mgis!’ J’ai dit mon mot: ‘Grillon est un nom incorrect pour Pouschkine. il devrait tre la cigale qui chante’. Miatleff m’a rpondu: ‘Tr&egrave,s vrai, et d’autant plus qu’il ne sera jamais la fourmi. Mais cette cigale chante l’anne ronde, ce qui est tant mieux pour le Parnasse russe’. Le vieux Poltica y tait, il me plat, il a quelque chose de sec et de fin la fois, et l’abb Ftu {C’est Wiasemsky. ‘L’abb Ftu’ de m-me de Svign avnit des dragons — des humeurs noires, Wiasemsky tait hypocondre, de l le sobriquet.} sans ses dragons, tr&egrave,s aimable. Pouschkine, mon fr&egrave,re Clment, Andr Karamzine et Pierre Mestchersky s’amusaient taquiner Sophie, parcequ’on l’avait trouve pleurant sur un roman anglais, avant le diner, Sophie s’est fche et Catherine {Catherine Mestchersky tait du 2-me lit, Sophie du i-er lit, et plus ge de beaucoup que ses fr&egrave,res Andr, Alexandre, Woldemar. La fille cadette Lise et le fils cadet taient encore des enfants alors, et Alexandre comme mes oncles encore en ducation, seul Andr et l’ain de mes oncles taient sortis des pages alors.} lui a dit enfin: ‘Faites comme moi, quand ils ssaient de me taquiner, je l&egrave,ve les pauls. Ils n’osent plus avec moi, c’est peine perdue’, quoi Mestchersky a rpondu: ‘qui sait, j’oserai peut-tre?’ La seule rponse de Catherine a t un regard majestueux! Pouschkine tait tr&egrave,s en train, il racontait ses Wanderungen chez les Tziganes en Moldavie, c’est dans un Tabor qu’il a entendu raconter le meurtre d’une femme, qu’il a mis dans le pome, il a trouv son Aleko et sa Zemphira sous une tente. Il nous a racont une histoire, qu’un gre lui a cont Kicheneff, il veut l’crire et l’appeler Kirdjali. Catherine Kawsky lui a racont la lgende de la Fontaine de BaclitcheSra. Elle a appel la fontaine du Palais des Khans ‘la fontaine des larmes’, Pouschkine disait, qu’elle a une imagination si potique. Maria tait une Patozka, enleve par ce Khan en effet. Il disait en suite qu’il y a beaucoup d’histoires vraies, comme celle des fr&egrave,res brigands, sur le Don, le Volga, il en a inscrit bien d’autres, il n’a rien invent, et l’officier du prisonnier du Caucase a exist, puis il s’est tourn vers Sophie et lui a dit: ‘Je vous ai taquine, mais vous avez raison d’aimer les romans anglais, ils sont si vridiques, les personnages de Walter Scott sont si vivants. Seulement ne pleurez pas trop sur leurs malheurs, car ils sont tous morts ou consols!’ Il s’est tourn vers moi: ‘Pleurez-vous quand on chante Tchernaja Schall?’ J’ai rpondu: ‘Jamais, c’est une romance et je la trouve insipide! Je prfr de beaucoup Talisman et Fontan Lioubvy (фонтанъ любви), d’ailleurs les vers sont plus beaux, les vers de Tchernaja Schall (Черная шаль) ne chantent pas’. Pouschkine a salu: ‘Tr&egrave,s bien dit, les vers ne chantent pas et ils doivent chanter, mme sans musique. Cela vous fait honneur, vous avez du got, de l’oreille, l’avenir je vous consulterai’. J’ai ri de son ton et je lui ai dit: ‘Comme Moli&egrave,re consultait sa Servante Lafort?’
‘Vous serez notre Lafort slave’ a grogu Wiasemskoy.
Pouschkine a recommenc: ‘Je vous assure que le Chle Noir est navrant, si vous l’aviez entendu, comme moi, chant dans une Kortclmia (Корчма) Juive en Moldavie, vous auriez tous sanglot. ‘Sanglot, dit Cathrine, quel propos?’ Pierre Metchersky a rpondu: ‘C’est l’effet d’une auberge Juive en Moldavie, on у sent Tail et l’oignon, cela fait pleurer’. Pouschkine a rpondu avec dignit: ‘Du tout, j’ai mis en vers la complainte sans oignon et sans ail et j’ai envie de la chanter en Moldave. Du reste Odessa j’ai vu un grec qui pleurait assis sur la plage, et chantait aussi. J’ai demand pourquoi il pleurait, je me suis attendri, je suis htriste. 11 m’a rpondu: ‘Ce que je chante me fait pleurer, c’est un petit oiseau, qui est assis sur une branche et il chante, il chante, puis il s’envole! En russe ce n’est pas touchant, en gr&egrave,c cela fait pleurer’.
‘Voulez-vous que je vous chante en Moldave? Mais pour cela il mefaut une guitare et des chles noirs’. Sophie lui dit: ‘qu’ cela ne tienne, notre paysan de cuisine joue de la guitare, et les femmes de chambre vous donneront des chles’.
Pouschkine, Clment et Andr se sont expdis chez les femmes, Louka {Le Caleb Balderstone des Karamzine. Ce Louka (Лука) tait un type de vieux serviteur, dvou et grognon, ayant vu natre la fille aine, Sophie, car il a servi l’historien du temps de son premier mariage. 11 contait ses souvenirs aux amis de la maison et traitait m-elle Sophie et les cadets comme des enfants. Il disait: ‘Oui, c’tait du temps o nous crivions l’histoire de Russie’.— ‘C’tait le temps o les franais ont brl notre biblioth&egrave,que de Moscou’.— ‘C’tait moi qui portais nos preuves dans l’imprimerie’ etc.— Entre lui et l’historien tout tait nous pour Louka. Je me souviens de sa figure parchemine, dans mon enfance, car il a vcu tr&egrave,s g.} a apport la guitare, Miatleff a t se joindre eux, enchant de plaisanter, on s’est enferm dans la salle manger et Glinka a t appel pour faire le guitariste.
Enfin on nous a appels. Clment et Pouschkine dguiss en Moldaves de fantaisie, avec des figures tragiques, tenaient un chle noir et roulaient des yeux en prenant des poses sentimentales. Pouschkine avait siffl l’air et Glinka a trouv l’accompagnement. Aussitt que nous sommes entrs Pouschkine a commenc chanter en nasillant comme les Moldaves, Clment faisait les gestes dramatiques, ils faisaient semblant de pleurer et d’essuyer les yeux avec le chle noir. Le srieux imperturbable, avec lequel ils nous donnaient ce beau concert, nous a fait mourir de rire. Le succ&egrave,s les a mis en train et ils ont dcid, qu’on ferait des tableaux vivants, Constantin Boulgakoff est arriv et a dclar que c’est une ide gniale.
On est all chez les femmes pour chercher des charpes, des pelisses, Andr a apport des robes de chambre, et mme on a dnich un vieux turban rouge de М-me Karamzine, quand ce tableau tait arrang on nous a appel. Miatleff faisait le Petrouchka, il nous a fait un discours: ‘Voici Khan Ghire, un homme tr&egrave,s srieux, comme Iwan Grosnoi, son histoire a t crite par un jeune homme de talent, qui apleur Bahtchi-Sera et depuis ce jour l’eau de la fontaine est sale’. Apr&egrave,s cela il a lu la premi&egrave,re strophe. Pouschkine tait Khan Ghire, coiff du turban de М-me Karamzine, envelopp de chles, fumant une pipe, assis par terre. Andr, Constantin Boulgakoff, Clment, en robes de chambre, modestement rangs autour, les bras croiss sur la poitrine comme il convient une cour d’esclaves. Nous avons applaudi. Miatleff a rpt alors comme un vrai Petrouschka: {Le refrain de Guignol chaque nouveau tableau: Лидеръ Манеръ, другой каналеръ.} ander maner, drougo kavaler, ce qui voulait dire: allez vous en. Le second tableau tait encore mieux, Miatleff nous a annonc que c’est un rbus. Ils ont plac le presse-papier de Karamzine la statue de Pierre le Grand, sur un socle. Pousclikine dans les habits du paysan propritaire de la guitare {Habits du propritaire de la guitare.} Clment dans un costume de fantaisie, soi-disant polonais, se tenaient devant le socle, envelopps de l’Almaviva de Pousclikine. L’orchestre c. v. d. Glinka a jou sur la guitare un trpaka et une Mazourka, le corps de ballet: Andr, Constantin Boulgakoff et Miatleff ont excut des pas de solo et puis ils ont cri: ‘Devinez?’
Joukowsky m’avait racont l’episode bien avant et j’ai rpondu:
‘Le rbus c’est Pouschkine et Mizkeivicz devant la statue de Pierre la Grand.
Pouschkine a rpondu: ‘Unis par la posie comme Paul et Virginie sous la mme feuille de palmier. Les soeurs rivales qui seront reconcilies un jour, du moins je l’esp&egrave,re’. Le dernier tableau taient les Tzigany, mais ils n’ont pas voulu de Mestchersky {Le P-ce Pierre Mestchrsky mari Catherine Karamzine tait le meilleur des hommes. Sa femme tr&egrave,s caustique tait ptrie d’esprit. Je citerai sa lettre au sujet de la mort Pouschkine.} trop blond. Ou a consult Sophie et Catherine tr&egrave,s longuement en secret, enfin on s’est dcid et on est venu me prier de poser aussi. Катерина Андреевна a dit que cela ne se pouvait pas, que je serais seule avec des jeunes gens. Pousclikine a dit qu’il y a un chaperon, qu’il irait chercher la fid&egrave,le Fiona {Fiona (Фіона) tait la fid&egrave,le servante de m-elle Sophie Karamzine.} de Sophie, qui serait la vieille Tzigane. Alors М-me Karamzine a consenti. Sophie a drap une charpe rose sur ma robe blanche, m’a mis un collier de corail, et on a trouv un tablier brod dans un tiroir de Catherine, avec un peu d’imagination cela pouvait tre Zemphira. Clment tait Alko, Andr, Pouschkine, Constantin B. les jeunes Tziganes, Miatleff le vieux, et Glinka le musicien, il a chant un air des bohmiens de Moscou, accompagn de guitare. Fiona en vieille sorci&egrave,re a t tr&egrave,s applaudie, elle a dit la bonne aventure Alko et Pouschkine, succ&egrave,s lou, et Pouschkine, qui s’amusait comme un enfant, a bais la main Катерина Андреевна pour la remercier d’avoir encourag les beaux arts en famille! Nous tions peine rentrs au salon, qu’on a annonc le C-te Fuguelmont. Катерина Андреевна a dit: ‘C’est heureux qu’il n’ait pas trouv ma salle manger transforme en balagane, il nous aurait pris pour des foux, moi comme les autres, d’autant plus que les Swiatky sont finis’.
Hier Pouschkine m’a fait une visite et m’a racont qu’il vient d’echapper une tentation infernale. Il a accompagn un ami Cronstaclt, et il a en une envie folle de se cacher dans une cabine et de ne paraitre qu’en pleine mer. Mais il a rsist ce dsir violent d’aller l’tranger sans passeport. Il est tr&egrave,s original et tr&egrave,s bon enfant. Modne a tort de dire qu’il est malveillant et qu’il a une langue deux tranchants. Il est moqueur, mais sans aucune mchancet, il est malicieux et spirituel. 11 m’a demand. ‘Quelle opinion avez vous de moi?’ J’ai rpondu: ‘Tr&egrave,s bonne, car vous tes tout simplement tr&egrave,s bon. On m’a prvenu contre vous, on m’a dit que vous tes toujours prt mordre les gens et je ne suis pas de cet avis. Vous tes ptri d’esprit, de talent, enfin vous tes tout ce que Joukowski m’a dit de vous — un phnix!’ Il est parti d’un clat de rire homrique et puis il m’a dit: ‘Je vous remercie de votre bonne opinion, je ne suis pas mchant, ni malveillant, ni traitre, ni menteur, je puis emport, mais je n’ai ni rancune, ni haine, ni envie, je suis sinc&egrave,re et je sais aimer mes amis, je leur suis fid&egrave,le. Mais j’ai une langue, qui pique.

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Nous allons dans quatre jours Peterhof. On sera en l’air du matin au soir, promenades, le camp, les retraites (militaires), l’equitation, les promenades sur le golfe. J’aime mieux Tzarsko, on у est plus tranquille. Il y a les Karamzine, et Pouschkine у vient, mme pied de Ptersbourg {Tr&egrave,s grand marcheur, Pouschkine fesait ces 30 kilom&egrave,tres facilement au pas acclr.}, en skorohod (скороходъ).
L’Impratrice m’a dit que je logerai au cottage toujours, et l’Empereur m’a dit: ‘on vous reveillera le matin d&egrave,s l’aube’. L’Impratrice lui a rpondu: ‘Quelle cruaut, elle aime dormir tard, mme l’Institut on la laissait dormir par ordre {Ma m&egrave,re logeait cot des enfants. Le matin l’Empereur allait chez ses filles et venuit taper avec elles , la porte de ma m&egrave,re, pour la rveiller, c’tait un des plaisirs des enfants.} de mdecin un peu plus longtemps.

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On a fait l’esquisse pour le tableau du camp, je dteste poser, il y a trois ans ma miniature a mieux russie. Les aquarelles pour l’album de l’Impratrice ont bien russi, surtout celle de Lubinka {La’ future P-sse Souvorof, М-elle Euler, la P-sse Ouroussoff, ma m&egrave,re — les 4 beauts pour l’album. Le tableau du camp est au vieux Palais и Peterhof, l’Imperatrice cheval avec les demoiselles d’honneur Krassno Slo (au camp.).} et Alexandrine, celle de Sophie moins bien et moi mal, j’tais de si mauvaise humeur. Ce soir, the d’adieu pour les habitants de Tzarsko.

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Nous sommes alles au camp et avons eu des agitations sans fin. Nous sommes toutes alles en char banc la suite de sa Majest, et les cal&egrave,ches avec les femmes et les robes devaient suivre. On rentre du camp, pas de cal&egrave,ches, pas de robes.
Dsolation! Je vais ches les femmes de l’Impratrice et j’apprends qu’elles ne sont pas {М-rs Ellis avait la garde des diamants, m-elle Klgel tait alors 1-re Kammer-frau: quand elle devint vieille, elle fut remplace par m-me Rohrbeck, qui resta jusqu’ la mort d’Александра еодоровна.} arrives, except М-rs Ellis et Ivlgel, mais ni robes, ni coiffeur, ni les autres femmes. Klligel s’arrachait les cheveux, М-rs Ellis calme, avec les boites bijoux devant elle, prenait du th. Enfin les cal&egrave,ches ont paru, le coiffeur et les robes. Nous avons fait notre toilette comme des soldats quand il y a trvoga (тревога). A diner j’ai bougeonn et me suis plainte qui de droit du retard. On m’a rpondu que mme les robes de l’Impratrice ont tard et que nous n’avions pas nous plaindre, ceci est vrai, mais si elle s’tait dj habille, nous aurions pu manquer l’appel, et c’est un dsordre dans les curies. L’Impratrice en a ri, mais a dit que cela ne doit plus se rpter, car il ne manque pas de chevaux et de cochers. Je crois que mme les soldats ne s’habillent pas aussi vite que nous hier, et de plus nous mourions de faim. Le P-ce Pierre m’a dit: ‘Cela n’a pas enlev leur bon apptit aux demoiselles d’honneur, elles nt fait honneur au diner’.

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Comme Aline est originale {Aline, fille du P. P. Wolhonsky (Волхонской) ministre de la cour. Sa m&egrave,re la P-sse Sophie tait l’originalit incarne. A Francfort un jour elle fut arrete la douane, avec sa demoiselle de compagnie, Miss Adelaide Pate et son mdecin le D-r Pizzati, vtue d’une vieille robe rpe, sans bagages et portant un sac dans lequel elle avait ses magnifiques diamants. On la prit pour une voleuse avec sa suite aussi mal vtue. Pizzati racontait pathtiquement cette aventure, rptant: ‘La P-sse est habille comme une mendiante toujours, j’tais furieux et Adelaide aussi, et elle riait, cela l’amusait. Enfin on est venue de la lgation pour nous tirer de l.}. L’Impratrice lui disait l’autre jour: ‘Comme votre jupe est troite, ma ch&egrave,re, on dirait qu’elle date de 1804’. Aline rpondu avec le plus grand srieux: ‘Elle est assez large pour que je sois l’aise dedans et mme je sauterai un ruisseau avec’. L’Impratrice a clat de rire et lui a dit: ‘Vous tes le portrait de votre m&egrave,re, Aline’. La petite {Devenue m-me de Lagrerie.} Doubensky est tr&egrave,s gentille et la G-de D-sse Marie l’aime beaucoup, elles font des lectures ensemble.

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A peine rentrs du camp l’Empereur a reu un courrier de Paris, avec la nouvelle la plus inattendue, la catastrophe la plus compl&egrave,tement foudroyante. Le roi est parti pour Rambouillet. Paris est en rvolution. Du reste Modne disait ce soir que S. М. craignait l’effet des derni&egrave,res mesures, les ordonnances, et qu’il en avait prvenu le roi. Le Duc de Polignac n’est pas un Duc de Richelieu! Cette malheureuse D-sse d’Angoulme va reprendre le chemin de l’exile. On dit qu’ils vont en Angleterre. Pozzo a expdi le courrier presque sans dtails avec les premi&egrave,res nouvelles. L’Empereur est soucieux, car il ne sait pas o cela m&egrave,nera la France.

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Un second courrier est arriv, parti le troisi&egrave,me jour de l’meute, le soir tard. On a nomm le Duc d’Orlans lientenant du royaume. Le roi, les Angoulme, le petit Duc de Bordeaux, Mademoiselle, la D-esse de Berry, qui a montr beaucoup de fermet, vont s’embarquer pour l’Angleterre. Quel fin! Quel v&egrave,nement!

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L’Empereur a eu encore un courrier avec beaucuop de dtails. Pozzo annonce qu’on enverra le gnral Athalin Sa Majest, qu’il sera porteur d’une lettre du Duc d’Orlans, qui a t lu roi. L’Empereur est tr&egrave,s proccup, il disait ce soir au th: ‘L’lection des rois a perdu la Pologne, et elle perdra la France, et ce serait beaucoup plus grave. Je ne souhaite que du bien la France et elle est aussi ncessaire l’quilibre europen’. Modne a rpondu: ‘Ceux qui font les rois, les dfont aussi, Sire’.
L’Empereur a dit alors: ‘C’est l le danger. Mon fr&egrave,re avait de la sympathie pour la France, et la Russie a voulu tre l’amie de la France depuis Pierre le Grand’.

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Les La Ferronays partent {М-elie de la Ferronays (devenue m-me Craven), tait lie avec m-elle Sophie Laval (amie de ma m&egrave,re, devenue C-tesse Borch) fille d’un migr aussi, qui resta en Russie, et pousa une russe. La Ferronays et Mortemort ambassadeurs de Prance en Russie, le C-te Pazzo di Barqo, amb issadeur de Russie Paris.}. Pauline est venue nous dire adieu avec Sophie, qui a pass la journe avec nous. L’Empereur regrette La Ferronays, il causait volontiers avec lui. Apr&egrave,s Mortemort c’est celui qui lui a t le plus sympathique. Pozzo sera envoy Londres, on ne sait pas encore qui ira Paris, on dit que ce sera le C-te Pahlen.
Modne disait que Matuswitch esprait у aller un jour, celui qui tait Londres avec les Lieven.

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Le gnral Athalin est arriv avec une lettre du roi Louis Philippe. Le Grand Duc m’a racont que Caulaincourt avait de grands succ&egrave,s aupr&egrave,s des femmes. Mortemort et La Ferronays taient moins brillants, tr&egrave,s differents, gens de bonne compagnie, tr&egrave,s sinc&egrave,res surtout (srieux) ce qui n’tait pas le cas avec Caul aincourt.

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Iskra m’a fait rire ce soir en me racontant qu’il avait lu une biographie de Byron, que lui a donn la chair de poule, et qu’il rcitera l’avenir nne pri&egrave,re soir et matin: ‘Seigneur, dans ta misricorde prot&egrave,ge moi contre mes biographes dans l’avenir, contre mes admirateurs autant que contre mes dtracteurs, les uns me jetteront des pavs de l’ours, les autres me noieront dans des flots d’encre empoisonns. Prserve moi des uns et des autres, Seigneur’ {Celle de Leigh Hunt. Pouchkine voyait beaucoup de diplomates anglais. 11 avait d’eux des livres anglais et la Revue d’Edimbourg, j’ai trouv dans les notes des allusions ce sujet: ‘Pouschkine est mcontent de l’article de la Revue d’Edimbourg sur Byron. Magennis lui a prt le Quarterly. Joukowsky a critiqu l’article de Southey, celui de Scott est bon. Bligh m’a apport les revues pour Pletnel. Fiequelemont a parl de l’article de la revue des deux Mondes et des Dbats. On nous est hostile Paris. Je trouve le Voleur tr&egrave,s ennuyeux, (c’tait nne revue du temps). Bligh m’a donn Schloss Hamfeld par B. Montagne. Sa soeur a pous le po&egrave,te Barry tornwell, que Pouschkine a traduit: ‘Here’s a health to thee Mary’, etc. Il y a aussi une allusion deux peintres anglais: Dawe et m-rs Robinson: ‘Dawe a fait mon portrait pour l’album de S. М. Il a peint toute la ville, des hommes surtout. М-rs Robinson a achev le portrait de l’Impratrice, il a russi, mais la pose n’a pas sa grce, c’est nne pose d’anglaise, c’est raide!’ (sic).}.

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Tout est tranquille Paris. Le Duc d’Orlans a chang le titre royal, il se fait appeler: Roi {Emigr, qui est rest eu Russie, tait la cour et mari une dame russe, une de ses filles tait demoiselle d’honneur.} des Franais. Modne me disait: ‘Roi de quelques Parisiens serait plus juste’. On a envoy la copie d’une de l’Empereur — La Parisienne et les discours du roi Louis Philippe la chambre et aux gardes nationaux. Le drapeau tricolore est hiss sur le Chteau celui du drapeau royal. Laval {Le C-te Laval comme le C-te Modne tait mari en Russie et avait une fonction la cour, sa fille ane tait marie au Dkebriste Prince Troubetzku.} m’a dit que le roi (Charles X, vivra probablement en Autriche, parceque l’Angleterre lui rappelle des souvenirs tr&egrave,s pnibles. Il y a eu une vritable bataille dans les rues Paris, ou a pill l’archevch et on a tu beaucoup de monde. Cela a dur trois jours!’ Retour Tzarskoe demain.

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Le soir l’Empereur avait reu un courrier, il en parlait et disait Nesselrode: {Le C-te Nesselrode, ministre des affaires trang&egrave,res mari la C-tesse Gonrieff (Гурьева).} ‘Je ne donne pas 20 ans de r&egrave,gne au roi des Franais, ceux qui l’ont mis sur le trne, у mettront un autre, le principe est tu, mais je ne me mlerai de rien, les affaires intrieures da la France ne me regardent pas du tout {L Empereur a averti Charles X pourtant du danger qu’il у avait signer les ordonnances (mem. de Stockmar). Ma m&egrave,re a lu ces mmoires Londres et disait que c’tait vrai, que l’Empereur en avait parl en 1830, disant: ‘Le courrier est arriv temps, mais il y a en comme une fatalit, qui a pouss le roi Charles X. Polignac a toujours t visionnaire depuis sa jeunesse mme. Il a mme consult une illumine Londres. Si Richelieu avait vcu tout cela ne serait pas arriv’. Ma m&egrave,re a trouv une des conversations cites par Stockmar douteuse, celle, ou il s’agit du C-te de Chambord. L’Empereur avait beaucoup de sympathie pour lui. C’est Londres que le surnom: ‘l’homme malade’ a t adapt pour la Turquie, lorsque l’Empereur avait aussi dit: ‘C’est madame Adlade qui est l’homme de la famille’.
Modne a racont qu’on lui avait crit de Paris qu’elle tait secr&egrave,tement marie au gnral Athalin.}, je ne suis pas oblig de m’en mler. Mon fr&egrave,re en 1814 a agi avec les autres Puissances, la situation l’exigeait. Elle a chang. J’ai crit au roi Louis Philippe en toute franchise, je lui ai dit ce que je pensais. On me dit que ma lettre l’a froiss, mais un homme honnte doit parler sinc&egrave,rement et je lui ai expliqu ce que sa position avait de dangeureux pour le principe monarchique qu’il reprsente.
Ce danger le menacera toujours, et il dcoule de son lection. Dureste je l’ai dit au gnral Athalin qui m’a paru tr&egrave,s intelligent, et qui a tr&egrave,s bien compris que c’tait le talon d’Achille de la royaut nouvelle. Je souhaite me tromper car je ne dsire que du bien au peuple franais. J’ai dit au gnral Athalin que je dsirais du bien au pays et au roi, en toute conscience je ne pouvais pas ne pas avertir Louis Philippe et je lui ai crit ce que je devais, sans finesses diplomatiques, car je les dteste et n’en userai jamais {Cela se passait le soir, au th de l’Impratrice.}.

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J’ai racont cette conversation Pouschkine en toute confidence, il a t tr&egrave,s frapp de cela, et m’a dit: ‘l’Empereur est au dessus des finasseries de chancellerie, comme son habitude il a parl avec la droiture qui le caractrise. Il n’a pas tort. Cette lection royale, car ce n’est pas autre chose, est faite par le tiers, la bourgeoisie surtout. Mais un jour les blouses voudront lire leur candidat et elles se l&egrave,veront contre les ministres bourgeois, ils auront une nouvelle rvolution, c’est fatal. Les di&egrave,tes et les lections ont perdu la Pologne. La France a plus de vitalit certes, elle l’a montre depuis 1789. Un autre pays aurait pri cent fois, mais la monarchie nouvelle ne me parait pas tr&egrave,s solide. J’ai relu Tacite et d’antres historiens latins la campagne. A Rome les Prtoriens ont fini par lire des Iiliogobales, c’est la dcadence. L’Empereur ne se trompe pas. Le principe monarchique en Frane a t tu, la lgitimit de ce pouvoir, et peut-tre plus qu’en 1791. J’ai demand Pouschkine de ne pas rpter ce que je lui ai racont et l’ai prevnu que je dirai S. М. que j’ai t indiscr&egrave,te. L’Empereur m’a rpondu quand je lui en ai parl: ‘Pouschkine est tr&egrave,s discrt, il a tant de tact, et c’est une capacit. D’ailleurs je ne fais aucun myst&egrave,re de mon opinion. Vous pouvez lui redire tout ce qui peut l’intresser, je me fie lui, il n’en msusera jamais, il est trop loyal’ (sic.).

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Langeron {De v. C-te Langeron, qui a succd Odessa au duc de Richelieu, li avec mes grands parents de Rosset.} est venu me faire une visite et m’a dit: ‘Eli bien, ma ch&egrave,re enfant, qu’en dites vous? Richelieu et votre p&egrave,re sont bien heureux d’tre morts avant cette dbcle. Mais si Richelieu avait vcu, le Roi n aurait jamais sign les Ordonnances! C’est moi qui vous en rponds. Quant Polignac c’est un illumin, il a des visions (sic.)! Je suis sr que le Prince de Bnvent a t ml tout cela, il a toujours trahi tout le monde. Feu l’Empereur se dfiait de lui depuis 1808 dj’.

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[Plus tard il est question des ministres franais, et surtout de Monsieur de Barante]: ‘Le nouveau ministre de France plait beaucoup l’Empereur. C’est un crivain et un homme d’esprit tr&egrave,s bien lev. Il a apport des assurances de la part du roi Louis Philippe. On dit aussi que le roi fait beaucoup d’avances l’Angleterre, car on cherche des alliances des deux cots’.

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[Notes diverses]: {Ce sont les Impratrices russes qui ont import les arbres de Nol chez nous depuis l’Empereur Paul. Les Enfants sont ceux du Tzar. A cette date les demoiselles d’honneur ne portaient pas encore un costume. L’Impratrice donnait beaucoup de toilettes ces jeunes filles et payait mme leurs dettes de toilette souvent.} ‘Arbre des Enfants. S. М. m’a donn une traine rose brode d’argent et Alexandrine Euler une traine bleue de ciel et argent. Modne nous a dit que nous serons celestes la sortie du jour de l’an. Joukowsky a dclar qu’il restera le plus loin possible de nous, pour ne pas avoir de distractions, notre beaut l’empchera de prier Dieu’.

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Baise-main et sortie 1 Janvier. Il y eu a beaucoup de grces, ce qui a mis tout le monde de bonne humeur. L’Impratrice si fatigue du baisemain qu’elle a d se coucher, elle avait des palpitations de coeur {L’Impratrice tait enceinte a cette date, depuis le 14 D. 1825 elle a souffert de palpitatious de coeur.}.

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[Autre note]: ‘Aux matines l’Impratrice n’a pas paru et il n’y a pas en de baise-main apr&egrave,s les vpres le dimanche. Je suis alle chez les Karamzine, o Joukowsky tait attabl, cependant il a tr&egrave,s solidement rveillonn (разговлся) la nuit. Il m’a dclar qu’il a un estomac qui prouve sa bonne conscience et sa belle constitution la fois.

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‘Metternich a crit Nesselrode avec le dernier courrier que Charles X est tabli au Hradschin {Charles X a vcu Prague, dans le chteau du Hradschein assez longtemps.}, et qu’ils sont tr&egrave,s entours en attendant par des fid&egrave,les. La D-esse de Berry est pleine de courage, les enfants tr&egrave,s beaux et forts, le roi silencieux mais pas morose. Le Duc d’Angoul&egrave,me triste et faisant peine voir, la Duchesse souffrante et abattue. Quelle terrible existence elle a eu depuis sa premi&egrave,re adolescence. L’Empereur disait devant moi que Metternich n’aimait pas les Bourbons et ne pouvait pas souffrir Napolon. Il disait aussi qu’ 20 ans le Prince Clment a dj t envoy Londres par son p&egrave,re, gouverneur dans les Flandres, pour traiter des subsides avec Pitt.

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[Il y a quelques lignes sur la rvolution Belge aussi]: Le roi (des Pays Bas), a quitt Bruxelles, la reine tait partie avant pour La Haye. L’Empereur a reu un courrier d’elle et un d’Angleterre. Le minist&egrave,re anglais ne permettra pas au roi Louis Philippe de s’emparer d’Anvers et l’Empereur est du mme avis. On raconte que le roi Louis Philippe veut mettre son second fils sur le trne Belge, qu’on en fera un nouveau royaume. L’Angleterre a fait savoir qu’elle proposera le Prince Lopold, le veuf de la P-esse Charlotte. L’Empereur a dit Nesselrode qu’il ne se mlera de rien, seulement Anvers doit rester au futur roi des Belges et il a ordonn Nesselrode de le faire savoir Londres {Le C-te Michel Wielhorsky aimait beaucoup Pouschkine, Joukowsky et Gogol. Il faisait la lecture l’Impratrice le боіг. Tr&egrave,s mlomane, comme son fr&egrave,re le C-te Mathieu, qui plus tard l’a remplac aupr&egrave,s de S. М.} et Paris. C’est Wielhorsky qui m’a racont ces nouvelles pour Pouschkine, parceque j’allais chez les Karamzine et lui n’у va pas ce soir’.
[Bien apr&egrave,s, des notes littraires dont j’extrais des passages.
En 1829 Pouschkine suivit l’arme de Paskewitch Erzranne. S’il n’crivit pas le voyage sentimental, il a dcrit ses impressions et les publia en 1836 dans le Contemporain. Ma m&egrave,re l’appelle tantt Сверчокъ tantt Iskra (nom du cosaque dans Poltava). Ces noms reviennent sans cesse dans ses notes. On у voit que malgr sa jeunesse, le po&egrave,te, tout ce qu’il dit, et ces rapports avec le Tzar, l’ont intresse et qu’elle en comprend l’importance. Elle parle des t&egrave,tes, des petites histoires du temps, se moque en faisant des portraits mordants de certains personnages, pense tout haut, dcrit d’un mot spirituel. Dans ses portraits on trouverait de quoi faire des nouvelles, des comdies, mais je ne citerai que des choses historiques et littraires], [Dans le courant de 1830 il y a la premi&egrave,re allusion Gogol tr&egrave,s vague]:
‘Lise Repnine {Ne Balabine, amie de ma m&egrave,re.} m’a dit que Marie souffre moins de ses migraines, elle peut reprendre ses leons. Ils ont trouv un matre pour elle, mais ce n’est pas Pletneff. Warette Repnine {La P-sse Warette Repnine, soeur du Prince Basile, morte tr&egrave,s ge, grande amie de Gogol. Les Repnine sont de Poltava. Gogol allait chez eux leur terre de Jgatino. La vieille Princesse l’aimait beaucoup Son mari tait le petit fils du clbr Repnine de Pierre le Grand, et fils du vice roi de Varsovie, qui btit de ses fonds la Terrasse de Brhl Dresde. Warette Repnine, fort indpendante, tait un type original, du reste c’tait le caract&egrave,re de la famille: indpendance et originalit.}, qui le commit a v sa famille Poltava, ils sont apparents avec Trotchensky, qui est mort tr&egrave,s g, il y a un an. L’Empereur en faisait l’loge alors, il a t ministre sous Catherine, Paul l’a renvoy et feu l’Empereur son av&egrave,nement est all lui mme le prier de reprendre son poste, car il l’estimait beaucoup. Cette famille s’appelle Gogol-Janowsky, elle est ultra petite russienne. Warette les apprcie beaucoup. Lise dit que le matre est Вотъ. [Bien apr&egrave,s il en est question encore]: ‘J’ai aperu le Hohol (хохолъ) de Warette de loin en allant dire adieu aux Balabine {М-me Balabine tait fille d’un migr, М-r de Pris. Lie avec la suprieure de l’Institut m-me Breitkopf, tante du Dekabriste Kchelbecker et parente des Glinka. Les l&egrave,ves appelaient les Suprieures de St. Catherine et du couvent de Smolna ‘maman’.}. Le vieux М-r de Pris у tait. Il s’est rjouis de me voir, nous avons parl de Maman Breitkopf, des Kchelbecker, des Glinka, de l’Institut. Lise m’a dit: ‘Ne parlez pas au Hohol (хохолъ), {Cette rencontre fortuite fut pourtant le point de dpart de l’intrt que prit ma m&egrave,re Gogol, pareeqa’il tait Petit Russien, et qu’elle avait t en Petite Russie (quoique ne Odessa) dans son enfance, mme chez les Kapnist, amis de Gogol aussi.} il est tr&egrave,s timide et il ne faut pas interrompre la leon’ (sic.). ‘J’ai demand si Marie aime son pdagogue, il parait qu’il a beaucoup d’esprit, mais qu’il parle tr&egrave,s peu, il est tr&egrave,s timide. Il m’a paru gauche et triste, mais sa ligure est tr&egrave,s petite-russienne, mme son t chоup (чубъ) m’a rappel le vieux Waranowsky {Waranowsky tait un petit-russien, tr&egrave,s riche tabli en nouvelle Russie aussi et dont le neveu avait pous une de mes grand-tantes.} qui venait les dimanche chez grand maman. J’ai pri Pletneff de m’amener un jour ce Gogol Janowsky, je voulais le voir puisqu il est: is pod Monumenta {N sous le monument (de la bataille de Poltava) locution locale que le peuple emploie encore pour dire qu’il est du gouvernement de Poltava, coeur de l’Deraine.}, il a refus de venir, il est trop timide. J’ai si envie de parler un Hohol, un vrai. d’entendre l’accent d’un Hohol cela me rappellera grand maman, Gramocla {Terre de ma bis-aeule Lohrer.}, mon enfance. Quoique grand-maman n’avait pas l’accent {М-me de Lohrer tait ne Princesse Tzizianoff. Son fr&egrave,re le Prince Dmitry, vivait encore. Ils taient parents du clbr gnral Tzizianoff.}, elle avait celui des gorgiens, comme le grand oncle, mais elle parlait aussi petit-russien, comme moi et maman. Je veux voir ce Hohol rcalcitrant, lui parler de la Petite-Russie, de tout ce que j’aime tant. J’ai demand Pletneff de lui dire que je suis aussi une Hohlatchka (хохлачка).
[Quelque temps apr&egrave,s ma m&egrave,re ecrit]: ‘Enfin. Grillon Pt Byk (сверчокъ и бычокъ) mes deux ‘btes de l’Arzamas’ ont amen Gogol-Janowsky chez moi. Cela m’a ravie de parier de la Petite-Russie et alors il s’est anim aussi. Je les ai tous surpris en leur rcitantjdes vers d’une chanson petiterussienne. Je suis sre que le ciel du Nord p&egrave,se comme un bonnet de plomb au Hohol, car il est bien lourd souvent. Nous avons parl de tout mme de galouchky! J’ai racont les peurs que Hopka {Bonne, qui soignait les enfants de Rosset a Gromacla, sous les ordres d’Amalia Iwanowna la gouvernante suisse, qui les vit tous natre.} me faisait, en me parlant du Vij. Pouschkine disait que c’est le vampyre des grecs et des Jougo-Slaves. Chez nous le Vij n’existe pas dans les contes du nord. Joukowsky fid&egrave,le Goethe, a rcit la Braut von Corinth. Gogol a appris l’allemand et le comprend tr&egrave,s bien, il admire Schiller, et Joukowsky lui a dit que j’avais tr&egrave,s bien rcit l’examen Das Eleusische Fest! J’ai remarqu que Gogol rayonne d&egrave,s que Pouschkine lui parle. Quand il a entendu que je l’appelle Iskra il a trouv le nom tr&egrave,s bien choisi, plus potique que Grillon. Comme Grillon est bon, il a de suite apprivois le pauvre llohol timide, triste et rcalcitrant, il est aussi bon que Sweet William, le bon boeuf qui mugit. Mon petit boeuf mugit, enchant d’avoir des sobriquets, c’est mme le belo bitchek (блый бычокъ) des contes d’enfants.

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‘Joukowsky est superlativement bon. Hier S. М. ma parl. Je lui ai racont que j’ai donn un surnom М-lle de Wildermette {Institutrice de l’Imperatrice Alexandra, elle venait de temps en temps la voir. Elle est morte fort ge Berne.} et Joukowsky., parcequils ont conserv la S-te. Simplicit, que St. Franois de Sales a tant rcommande et je les appelle М-r et М-me Ninette la cour. L’Impratrice en a ri et surtout quand j’ai ajout: ‘Vous tes aussi superlativement bonne, V. М.— Vous avez la St-e Simplicit, c’est un grand mrite. Le P&egrave,re Naoumolf l’Institut insistait sur cela toujours. Et moi je n’aime pas les personnes compliqus en gnral’. L’Impratrice a ri de tout son coeur et me dit: ‘Tchernenk {Ma m&egrave,re et m-elle Euler s’appelant toutes les deux Alexandrine, la petite G-de d-elle A. N. les nommait Sacha Tcheruenka et Sacha Belinka, parcequc ma m&egrave,re tait brune et son amie tr&egrave,s blonde. Toute la famille Impriale I-le a toujours appel mu m&egrave,re ainsi depuis, meme en lui crivant.} (Черненькая) vous tes donc trop amusante, j’aime votre franchise, elle me plait’. J’ai rpondu: ‘Peut-tre que je ne devrais pas me permettre de dire V. М. ce que je pense d’elle, mais cela m’a chapp’.— ‘Au contraire, m’a rpondu l’Impratrice, on doit la sincrit et la franchise ceux qu’on aime et estime. Le Prince Pierre {Le P-ce P. Wolkonsky ministre de la cour. Sa fille devenue m-me Dournoll’ tait une amie intime de ma m&egrave,re, et tout aussi rudement franche, c’tait une femme tr&egrave,s instruite et d’un esprit tr&egrave,s droit et ouvert.} m’a dit l’autre soir, que je suis dans la catgorie des enfants terribles, que les gens se dfient de moi, et que je me ferai des ennemis, qu’il faut cacher ce, que l’on pense, surtout la cour. Tant pis, je ne puis m’extsier quand une chose me dplat, c’est un malheur. Il ajoutait: ‘Quand vous ne parlez pas, vos yeux parlent’. J’ai ripost: ‘Faut-il que je me prom&egrave,ne les yeux ferms? ou bien avec un bandeau comme la Justice’. Modne toujours vert galant m’a dit: ‘Non, comme l’amour, Rosina Amabile, il a aussi un bandeau sur les yeux!’ J’ai encore ripost: ‘C’est pourquoi il tombe si mal quelquefois’.

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Jonkowsky est- triomphant d’avoir empoign le lloliol rcalcitrant, parcequ’il a vu que cela m’a fait tant de plaisir de parler de la PetiteRussie, de grand-maman, de Gramocla, de Норка et des contes quelle me fesait. Gogol les a aussi entendus de sa bonne. Nous avons parl des nids de cigognes sur les toits en Oukrane, des Tchoumaky (чумаки) des Hobsary (Кобзари), des Hongrois qui apportaient des plumes de faisan ma m&egrave,re. J’ai promis Pouschkine de gronder le pauvre Hohol, s’il devient trop triste dans la Palmyre du Nord, dont le soleil a toujours Pair si malade. Pouschkine disait que l’t dans le Nord est la caricature des hivers du midi. Ils ont tant taquin Gogol sur sa timidit et sa sauvagerie qu’ils ont fini par le mettre l’aise et il avait Pair content d’tre venu me voir s’konvoym (съ конвоемъ).

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Grillon tait venu me parler de Gogol. Il a pass plusieurs heures chez lui, a examin ses cahiers, ses notes, tout ce qu’il avait inscrit en voyage. Il est frapp de tout ce que Gogol a dj observ entre Poltava et Ptersbourg, car il a mme not des conversations et dcrit des villes o il s’est arrt, et mme les figures, le paysage, la diffrence entre les gens du Nord et les Hohols. Pouschkine a fini par dire: ‘Ce sera un Sterne russe, il a un talent original, car il voit tout, ii sait rire, il est triste et fera pleurer aussi. Il saisit les nuances, les ridicules, il a du humour, et avant dix ans ce sera un talent de premier ordre. Il a le sens dramatique aussi’.

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J’avais relu le ‘Voyage Sentimental’ parceque Pouschkine m’avait engage le traduire, pour me sduire il m’avait dclar, qu’il ferait la prface, et que nous publierions sous un pseudonyme R. C. et Islcra, mais je suis trop paresseuse et Pletneff m’a gronde. Grillon m’a dit ensuite: ‘Inscrivez-vous au moins tout ce que vous entendez?’ Alors je lui ai fait voir mon journal, et il m’a montr ses notes. L’autre jour il a encore brl un cahier de Kiclieneff. Il dit qu’il a le pressentiment qu’il doit mourir jeune, et mme subitement, et que tout ce qu’il n’a pas le courage de brler, est cachet et sera dtruit apr&egrave,s sa mort, s’il n’a pas le temps. On lui crit que tous les papiers de Griboydoff ont t pills Thran, beaucoup de choses intressantes ont disparu ainsi: son journal, et un drame gorgien, qu’il avait commenc, et des posies, moins qu’il n’en ait laiss chez sa femme Tabris’. Il l’avait laisse l, sans (doute qu’il avait eu un pressentiment, car elle aurait t aussi massacre. Jean Maltzeff {J. Maltzeff, un des scrtaires Thran.} est le seul qui ait chapp. On a tu pr&egrave,s de 40 personnes dans la lgation, entre l’escorte cosaque. Popschkine a s des dtails par des lettres de Raewskoy. Il est tr&egrave,s content que l’Empereur ait permis de jouer: Gor ot ouma (Горе отъ ума). J’irai voir la pi&egrave,ce aussi, elle doit faire un grand effet. On Га joue au Caucase, des officiers, devant Grbojedoff, en 1827, je crois, dans le Palais des Sardars Persans Erivan, ce dtail est original. Jrmoloff et Beboutoff aimaient beaucoup Grebojedoff. Pouschkine prtend qu’il avait presque du gnie et que sa mort est irrparable pour notre littrature, qu’il aurait t notre Moli&egrave,re.

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Pouschkine est revenu me voir et m’a l des notes, qu’il a faites Odessa et Tiflis, pendant le voyage Erzranne. 11 veut publier tout cela uu jour. Puis il m’a lu sous le sceau du secret une chose tr&egrave,s originale: Chronique du village de Gorochino. C’est la Russie! Je lui ai dit: ‘La censure ne le permettra pas, elle devihera’. Alors Iskra m’a dit: ‘C’est trop peu de choses pour en parler S. М. Rservons nous pour la posie’. Puis il a reparl des mmoires, des correspondances du grand r&egrave,gne en France, de St. Simon, de М-me de Svign et il a ajout: ‘En Frane malgr la rvolution on a le culte du pass. On publie tout ce qui a trait ce pass, avec des commentaires, des dtails, chez nous on est encore sous ce rapport dans l’enfance. L’Impratrice Catherine a charg Tcherbatoff de publier le Dnwnick de Pierre le Grand. 11 у a des trsors aux archives. Quand nous serons plus civiliss on у pensera, mais si personne n crit son journal, si on n’a pas de correspondance, tout le pass meurt indit!’ Je lui ai dit que j’avais mme fait mon Journal l’Institut, parceque М-elle de Walsch {Dame de classe l’Institut de l’ordre de S-te Catherine (migre).} me l’a fait commencer. Mon journal est tr&egrave,s court, je n’ai pas de style, je n’ai que le temps de faire des notes de tout ce qui me frappe, je lui ai mme avou que j’avais inscrit tout ce qu’il me dit. Pouschkine m’a rpondu: ‘C’est tr&egrave,s flatteur pour moi, mais vous avez raison de faire de suite des notes courtes, la premi&egrave,re impression est la plus sinc&egrave,re’. Il m’a racont qu’il lit prsent les correspondances de Port-Royal. Il est enchant des Jansnistes: Pascal, Nicole, Arnould, la m&egrave,re Anglique et Boileau. Il prf&egrave,re leur style mme Bossuet. Il admire Fnlon, il le trouve plus po&egrave,te que Racine. Il a plus de respect que de got pour Racine.

‘Сверный Встникъ’, No 1, 1893

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