Oeuvres compltes de Paul Verlaine, Vol. 1, Верлен Поль, Год: 1896
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The Project Gutenberg EBook of Oeuvres compltes de Paul Verlaine, Vol. 1
by Paul Verlaine
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Title: Oeuvres compltes de Paul Verlaine, Vol. 1
Pomes Saturniens, Ftes Galantes, Bonne chanson, Romances sans
paroles, Sagesse, Jadis et nagure
Author: Paul Verlaine
Release Date: February 20, 2005 [EBook #15112]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES COMPLTES DE PAUL VERLAINE ***
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(BnF/Gallica)
POMES SATURNIENS
Les Sages d’autrefois, qui valaient bien ceux-ci,
Crurent, et c’est un point encor mal clairci,
Lire au ciel les bonheurs ainsi que les dsastres,
Et que chaque me tait lie l’un des astres.
(On a beaucoup raill, sans penser que souvent
Le rire est ridicule autant que dcevant,
Cette explication du mystre nocturne.)
Or ceux-l qui sont ns sous le signe SATURNE,
Fauve plante, chre aux ncromanciens,
Ont entre tous, d’aprs les grimoires anciens,
Bonne part de malheur et bonne part de bile.
L’Imagination, inquite et dbile,
Vient rendre nul en eux l’effort de la Raison.
Dans leurs veines, le sang, subtil comme un poison,
Brlant comme une lave, et rare, coule et roule
En grsillant leur triste Idal qui s’croule.
Tels les Saturniens doivent souffrir et tels
Mourir,—en admettant que nous soyons mortels.—
Leur plan de vie tant dessin ligne ligne
Par la logique d’une Influence maligne.
P.V.
PROLOGUE
Dans ces temps fabuleux, les limbes de l’histoire,
O les fils de Ragh, beaux de fard et de gloire,
Vers la Ganga rgnaient leur rgne tincelant,
Et, par l’intensit de leur vertu, troublant
Les Dieux et les Dmons et Bhagavat lui-mme,
Augustes, s’levaient jusqu’au nant suprme,
Ah! la terre et la mer et le ciel, purs encor
Et jeunes, qu’arrosait une lumire d’or
Frmissante, entendaient, apaisant leurs murmures
De tonnerres, de flots heurts, de moissons mres,
Et retenant le vol obstin des essaims,
Les Potes sacrs chanter les Guerriers saints,
Ce pendant que le ciel et la mer et la terre
Voyaient—rouges et las de leur travail austre—
S’incliner, pnitents fauves et timors,
Les Guerriers saints devant les Potes sacrs!
Une connexit grandiosement calme
Liait le Kchatrya serein au Chanteur calme,
Valmiki l’excellent l’excellent Rama:
Telles sur un tang deux touffes de padma.
—Et sous tes cieux dors et clairs, Hellas antique,
De Sparte la svre la rieuse Allique,
Les Ades, Orpheus, Akaos, taient
Encore des hros altiers et combattaient,
Homros, s’il n’a pas, lui, mani le glaive,
Fait retentir, clameur immense qui s’lve,
Vos chos, jamais las, vastes postrits,
D’Hektr, et d’Odysseus, et d’Akhilleus chants.
Les hros leur tour, aprs les luttes vastes,
Pieux, sacrifiaient aux neuf Desses chastes,
Et non moins que de l’art d’Ars furent pris
De l’Art dont une Palme immortelle est le prix,
Akhilleus entre tous! Et le Latiade
Dompta, parole d’or qui charme et persuade,
Les esprits et les coeurs et les mes toujours,
Ainsi qu’Orpheus domptait les tigres elles ours.
—Plus tard, vers des climats plus rudes, en des res
Barbares, chez les Francs tumultueux, nos pres,
Est-ce que le Trouvre hroque n’eut pas
Comme le Preux sa part auguste des combats?
Est-ce que, Throldus ayant dit Charlemagne,
Et son neveu Roland rest dans la montagne
Et le bon Olivier et Turpin au grand coeur,
En beaux couplets et sur un rythme pre et vainqueur,
Est-ce que, cinquante ans aprs, dans les batailles,
Les durs Leudes perdant leur sang par vingt entailles,
Ne chantaient pas le chant de geste sans rivaux,
De Roland et de ceux qui virent Roncevaux
Et furent de l’norme et suprme tuerie,
Du temps de l’Empereur la barbe fleurie?
—Aujourd’hui l’Action et le Rve ont bris
Le pacte primitif par les sicles us,
Et plusieurs ont trouv funeste ce divorce
De l’harmonie immense et bleue et de la Force.
La Force qu’autrefois le Pote tenait
En bride, blanc cheval ail qui rayonnait,
La force, maintenant, la Force, c’est la Bte
Froce bondissante et folle et toujours prte
A tout carnage, tout dvaslement, tout
gorgement d’un bout du monde l’autre bout!
L’Action qu’autrefois rglait le chant des lyres,
Trouble, enivre, en proie aux cent mille dlires
Fuligineux d’un sicle en bullition,
L’Action prsent,— piti!—l’Action,
C’est l’ouragan, c’est la tempte, c’est la houle
Marine dans la nuit sans toiles, qui roule
Et droule parmi des bruits sourds l’effroi vert
Et rouge des clairs sur le ciel entr’ouvert!
—Cependant, orgueilleux et doux, loin des vacarmes
De la vie et du choc dsordonn des armes
Mercenaires, voyez, gravissant les hauteurs
Ineffables, voici le groupe des Chanteurs
Vtus de blanc, et des lueurs d’apothoses
Empourprent la fiert sereine de leurs poses:
Tous beaux, tous purs, avec des rayons dans les yeux,
Et sur leur front le rve inachev des Dieux,
Le monde que troublait leur parole profonde,
Les exile. A leur tour ils exilent le monde!
C’est qu’ils ont la fin compris qu’ils ne faut plus
Mler leur note pure aux cris irrsolus
Que va poussant la foule obscne et violente,
Et que l’isolement sied leur marche lente.
Le Pote, l’amour du Beau, voil sa foi,
L’Azur, son tendard, et l’Idal, sa loi!
Ne lui demandez rien de plus, car ses prunelles,
O le rayonnement des choses ternelles
A mis des visions qu’il suit avidement,
Ne sauraient s’abaisser une heure seulement
Sur le honteux conflit des besognes vulgaires,
Et sur vos vanits plates, et si nagures
On le vit au milieu des hommes, pousant
Leurs querelles, pleurant avec eux, les poussant
Aux guerres, clbrant l’orgueil des Rpubliques
Et l’clat militaire et les splendeurs auliques.
Sur la kitare, sur la harpe et sur le luth,
S’il honorait parfois le prsent d’un salut
Et daignait consentir ce rle de prtre
D’aimer et de bnir, et s’il voulait bien tre
La voix qui rit ou pleure alors qu’on pleure ou rit,
S’il inclinait vers l’me humaine son esprit,
C’est qu’il se mprenait alors sur l’me humaine.
Maintenant, va, mon Livre, o le hasard te mne.
MELANCHOLIA
A Ernest Boutier.
I
RSIGNATION
Tout enfant, j’allais rvant Ko-Hinnor,
Somptuosit persane et papale,
Hliogabale et Sardanapale!
Mon dsir crait sous des toits en or,
Parmi les parfums, au son des musiques,
Des harems sans fin, paradis physiques!
Aujourd’hui plus calme et non moins ardent,
Mais sachant la vie et qu’il faut qu’on plie,
J’ai d refrner ma belle folie,
Sans me rsigner par trop cependant.
Soit! le grandiose chappe ma dent,
Mais fi de l’aimable et fi de la lie!
Et je hais toujours la femme jolie!
La rime assonante et l’ami prudent.
II
NEVERMORE
Souvenir, souvenir, que me veux-tu? L’automne
Faisait voler la grive travers l’air atone,
Et le soleil dardait un rayon monotone
Sur le bois jaunissant o la bise dtone.
Nous tions seul seule et marchions en rvant,
Elle et moi, les cheveux et la pense au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard mouvant:
‘Quel fut ton plus beau jour!’ fit sa voix d’or vivant,
Sa voix douce et sonore, au frais timbre anglique.
Un sourire discret lui donna la rplique,
Et je baisai sa main blanche, dvotement.
—Ah! les premires fleurs qu’elles sont parfumes!
Et qu’il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lvres bien-aimes!
III
APRS TROIS ANS
Ayant pouss la porte troite qui chancelle,
Je me suis promen dans le petit jardin
Qu’clairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d’une humide tincelle.
Rien n’a chang. J’ai tout revu: l’humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin…
Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent, comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent.
Chaque alouette qui va et vient m’est connue.
Mme j’ai retrouv debout la Vellda,
Dont le pltre s’caille au bout de l’avenue.
—Grle, parmi l’odeur fade du rsda.
IV
VOEU
Ah! les oarystis! les premires matresses!
L’or des cheveux, l’azur des yeux, la fleur des chairs,
Et puis, parmi l’odeur des corps jeunes et chers,
La spontanit craintive des caresses!
Sont-elles assez loin toutes ces allgresses
Et toutes ces candeurs! Hlas! toutes devers
Le Printemps des regrets ont fui les noirs hivers
De mes ennuis, de mes dgots, de mes dtresses!
Si que me voil seul prsent, morne et seul,
Morne et dsespr, plus glac qu’un aeul,
Et tel qu’un orphelin pauvre sans soeur ane.
O la femme l’amour clin et rchauffant,
Douce, pensive et brune, et jamais tonne,
Et qui parfois vous baise au front, comme un enfant
V
LASSITUDE
A batallas de amor campo de pluma.
(CONGORA)
De la douceur, de la douceur, de la douceur!